The Man Who Sleeps - G.Perec

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"C’est un jour comme celui-ci, un peu plus tard, un peu plus tôt, que tu découvres sans surprise que quelque chose ne va pas, que, pour parler sans précaution, tu ne sais pas vivre, que tu ne sauras jamais."
« Tu n'es pourtant pas de ceux qui passent leurs heures de veille à se demander s'ils existent, pourquoi, d'où ils viennent, ce qu'ils sont, où ils vont, tu ne t'es jamais sérieusement interrogé sur la priorité de l'œuf ou de la poule »
« Tu restes dans ta chambre, sans manger sans lire, presque sans bouger. tu regardes la bassine, l’étagère, tes genoux, ton regard dans le miroir fêlé, le bol, l'interrupteur, tu écoutes les bruits de la rue, la goutte d'eau au robinet du palier, les bruits de ton voisin, les tiroirs qu'il ouvre ou ferme.....ceci est ta vie, ceci est toi. Tu peux faire l'exact inventaire de ta maigre fortune, le bilan précis de ton premier quart de siècle, tu a vingt cinq ans et vingt neuf dents, trois chemises et huit chaussettes, quelque livre que tu ne lis plus, quelques disques que tu n'écoutes plus. Tu n'a pas envie de te souvenir d'autre chose ni de ta famille, ni de tes études, ni de tes amours, ni de tes amis ni de tes vacances, ni de tes projets.....tu ne revois pas tes amis. Tu n'ouvres pas ta porte, tu ne descends pas chercher ton courrier. Tu ne rends pas les livres que tu as empruntés à la bibliothèque. Tu n'écrit pas à tes parents ».
« Tu ne sors qu'à la nuit tombée, comme les rats, les chats et les monstres. »
« Tu te sens peu fait pour vivre, pour agir, pour façonner; tu ne veux que dure, tu ne veux que l'attente et l'oubli »
« La vie moderne apprécie généralement peu de telle dispositions: autour de toi tu as vu, de tout temps, privilégier l'action, les grands projets, l'enthousiasme: l'homme tendu en avant homme les yeux fixés dur l'horizon »
« Tu n'as pas envie de parler ni de vouloir. Tu suis le flot qui va et vient, de la République à la Madeleine, de la Madeleine à la République ».
« Tu ne peux rester neutre en face d'un chien, pas plus qu'en face d'un homme. Mais tu ne dialogue avec un homme. Mais tu ne dialogueras jamais avec un arbre ».
« Tu n'a guère vécu, et pourtant, tout est déjà dit, déjà fini. Tu n'as que 25ans, mais ta route est toute tracée. Les rôles sont prêts, les étiquettes: du pot de ta première enfance au fauteuil roulant de tes vieux jours, tous les siège sont là et attendent leur tour ».
« Pourquoi grimperas tu au sommet des plus hautes collines, puisque ensuite il te faudrait redescendre, et, une fois redescendu, comment faire pour ne pas passer ta vie à raconter comment tu t'y es pris pour monter? Pourquoi feras-tu semblant de vivre? Pourquoi continueras-tu? Ne sais-u pas déjà tout ce qui t'arrivera? n'as tu pas déjà été tout ce que tu devrais être: le digne fils de ton père et de ta mère, le brave petit scout, le bon élève qui aurait pu mieux faire, l'ami de l'enfance, le lointain cousin, le beau militaire, le jeune homme pauvre? »
« Tu n'écouteras plus de bon conseils. Tu ne demandes pas de remèdes. Tu passeras ton chemin, tu regarderas les arbres, l'eau, les pierres, le ciel, ton visage, les nuages, les plafonds, le vide »
« Ta chambre est la plus belle des iles désertes et paris un désert que nul n'a jamais traversé. Tu n'a besoin de rien d'autre que de ce calme, de ce sommeil, que de ce silence, que de cette torpeur.
« Tu as tout à apprendre, tout ce qui ne s'apprends pas: la solitude, l'indifférence, la patience, le silence ».
« Tu es seul, tu apprends à marcher comme un homme seul, à flâner, à voir sans regarder, à regarder sans voir. Tu apprends la transparence, l'immobilité, l'inexistence ».
" En face du monde, l'indifférent n'est ni ignorant ni hostile. Ton propos n'est pas de redécouvrir les saines joies de l'analphabétisme, mais lisant, de n'accorder aucun privilège à tes lectures".
« Qu’il fasse beau, qu'il fasse laid, que la pluie tombe ou que le soleil brille, que le vent souffle en rafales ou que nulle feuille ne bouge aux arbres...que tu sois perdu dans la foule ou seul sur une place déserte, tu marches encore, tu traines encore ».
« Tu trouves, dans cette vie sans usure et sans autre frémissement ...un bonheur presque parfait, fascinant, parfois gonflé d'émotions nouvelles ».
« Avec le temps, ta froideur devient fabuleuse ».
« Tu ne dis jamais s'il vous plait, bonjour, merci, au revoir. Tu ne t'excuse pas. Tu ne demandes pas ton chemin ».
« Tu n'es jamais pressé, jamais perdu. Tu ne regardes pas l'heure aux horloges. Tu n'as pas sommeil. Tu n'as pas faim. Tu ne bailles jamais. Tu n'éclates jamais de rire ».
« L’indifférence n'a ni commencement ni fin: c'est un état immuable, un poids, une inertie que rien ne saurait ébranler ».
« L’indifférence dissout le langage, brouille les signes. Tu es patient, et tu n'attends pas, tu es libre et tu ne choisis pas, tu es disponible et rien ne te mobilise »
« Parfois, tu rêves que le sommeil est une mort lente qui te gagne, une anesthésie douce et terrible à la fois, une nécrose heureuse, le froid monte, lentement, t’engourdit, t’annihile »
« Quelle merveilleuse invention que l’homme ! Il peut souffler dans ses mains pour les réchauffer et souffler sur sa soupe pour la refroidir ».
« Le monde n’a pas bougé et tu n’as pas changé. L’indifférence ne t’a pas rendu différent ».
© 2011 - 2024 Adachigawa
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